17 janvier 2011, je quitte Kreuzberg pour aller vers un autre quartier de Berlin. Un quartier in. Un quartier qui me plaît. Pour aller dans un bel appart’ dans lequel je m’imagine pouvoir rester un peu, contrairement aux précédents. Il fait beau, j’ai 50 000 choses à faire, je suis comme une petite fille qui va décorer une maison de poupée. Je dis adieu au temporaire, et pourtant quelque chose cloche. L’air porte un avant-goût de printemps, les couples réapparaissent dans les rues, je vois les choses comme si elles étaient un peu magiques, suspendues dans le temps. Mais alors…?
Le fait est. Je quitte Kreuzberg et j’ai l’impression de le trahir. Les rues que je traverse me manquent déjà, je porte un adieu silencieux comme un manteau trop lourd. Peut-être est-ce aussi un peu de peur, un peu d’appréhension devant un nouveau commencement. Au meilleur Kebab que je connaisse, le vendeur habituel n’est pas là. Mon Hausmeister ne se montre pas. Les gens travaillent, les rues sont tranquilles, le Görlitzer Park silencieux.
Je retraverserai ces rues, je viendrai faire la fête ici ou profiter d’un grill, j’irai dans les mêmes magasins. Tout ça, je le sais déjà. Mais une partie de moi crie silencieusement. Le Kreuzberg qui m’a accueilli, le Kreuzberg où j’ai vécu presque 2 ans et où je suis devenue une personne plus forte, plus affirmée, je le quitte. Quelque chose ici m’a nourri de sa plénitude. Le calme. Les rues larges. La verdure. Les bars à chaque coin de rue. Le mélange des cultures, des langues, le sentiment d’être à ma place tout en pouvant choisir l’anonymat…Il va falloir que je fasse mes racines ailleurs, de l’autre côté de la Spree. Dans un quartier dont j’ai rêvé, mais qui est différent à tous les plans. 20 minutes à vélo, et le sentiment de perdre quelque chose. C’est absurde, et pourtant terriblement vrai.
Demain, j’aurai déjà oublié cette impression. Je voulais simplement m’arrêter un peu, poser des mots sur ce que je ressens maintenant, et le partager. Jamais aucun déménagement ne m’a fait cet effet. L’excitation devant le nouveau, et la nostalgie profonde de ce que je suis en train de quitter. J’ai quitté mon pays, j’ai laissé ma famille et mes amis dans une autre ville, loin, je me suis arrachée de mon socle. Je me demande souvent comment serait ma vie sans ce départ de France, si les choses ne seraient pas plus simples, plus évidentes. Mais jamais je n’ai ressenti quelque chose d’aussi nuancé et pourtant si fort pour un endroit où j’ai vécu. Un peu de tristesse, une once de joie, un brin d’appréhension, une pincée de regret…quelque chose se joue en moi. Comme une petite ode à Kreuzberg, mon premier « chez moi » allemand.
Et quel est l’heureux élu? Mitte? PBerg? Friedrichshain?
@ Marion: L’heureux élu
est…
Friedrichshain. En plus, « tout le monde » y habite, du coup ça paraît tout de suite plus sexy;) Et de vrai, je trouve que l’endroit a un vrai flair (flair au sens allemand du terme, mon Dieu, je perds mon français…)
Oui, Friedrichshain c’est pas mal du tout, j’y habite depuis mon installation à Berlin, c’est le hasard qui m’a fait y atterrir d’ailleurs. Je m’y sens bien et je n’ai pas envie de m’en aller. Mais j’adore aussi Kreuzberg, surtout le coin de Görli justement. Si je devais quitter Friedrichshain, ce serait pour ton ancier quartier. Je comprends tout à fait ce que tu dis : ton expérience de Berlin, tu as appris à l’identifier à Xberg, et ça va faire bizarre de changer. Mais comme pour tout, tu t’y habitueras !
C’est marrant, ton germanisme sur « flair » ne m’a pas choqué du tout ! moi aussi je commence à être contaminé. On dirait comment en bon français ?
Bienvenue à Friedrichshain et bonne installation dans le permanent !
@ Jean-Michel: merci pour ces voeux d’installation! Je me transforme en fourmi, c’est fou ce qu’il y a à faire pour un seul appart’. Et le faire en allemand, en plus, j’ai du mal à y croire (me suis toujours laissé mâcher le travail). Et à le faire, aussi, mais ça c’est une toute autre histoire que bizarrement j’aime bien, aussi…
Pour « flair »: bah justement, je suis bien embêtée. Caractère? Côté pittoresque? Me demande s’il existe un véritable équivalent français en fait? Si tu trouves, tu me dis, ok?
Ah Friedrichhain !!!
C’est un de mes coins préférés… pour y traîner mes savates (enfin, mes après-ski bien capitonnés, plutôt, on se comprend).
Mais t’inquiètes, tous ceux qui ont été à Kreuzberg deviennent complètement accros. Moi, j’ai jamais eu vraiment envie, mais il doit y avoir quelque chose…
Bon courage en direct live de Wilmersdorf !
@ Lodi: merci pour ces encouragements!
Pour les savates, je sais, il y a beaucoup de gens comme ça. Moi je suis assez casanière: pour sortir, je suis normalement dans le périmètre de chez moi ou de chez mes amis, ce qui signifie que je dois choisir un endroit cool pour vivre, où des amis cools. La démarche inverse, ça m’échappe, mais je constate que ça marche, de fait: par exemple, j’ai un ami allemand fou de Friedrichshain. Concrètement, il y est chaque week-end, tout le samedi, une grosse partie de la nuit vers le dimanche, voire de retour le lendemain pour un brunch ou une partie de poker. Il bosse comme un fou la semaine sur Mitte et habite à Mariendorf, ce qui signifie, en clair, qu’il n’est quasiment jamais chez lui ou proche de chez lui. Ce qui ne l’empêche pas de clamer haut et fort que JAMAIS on ne le prendra à se chercher un appart’ dans le coin.
Sur un autre sujet: merci pour ton passage, une nouvelle personne qui commente est toujours la bienvenue sur ce blog :)!