La francophilie, vous y croyez encore…? Si ce n’est plus le cas, venez à Berlin et faites une petite enquête: nous avons encore quelques fans…
Première preuve: l’intérêt pour la langue, dont j’ai déjà parlé un peu ici. Beaucoup parlent un peu (voire très bien!) le Français, beaucoup veulent l’apprendre…
Deuxième preuve: l’étalage des librairies. On trouve énormément d’auteurs français classiques et modernes traduits ici- vous avez certainement vu un peu partout des éditions Reclam de nos auteurs classiques ou remarqué le succès (assez surprenant d’ailleurs) d’Astérix. J’ai travaillé pour une maison d’édition berlinoise il y a un an et j’ai eu l’occasion d’en apprendre un peu plus sur le sujet.
Alors, pourquoi un tel intérêt?
Eh bien, en partie en raison du passé communiste de la RDA. Imaginez ce que c’était à l’Est pour avoir l’autorisation de publier un livre politiquement correct…et cherchez quel pays occidental, des années 50 à la fin des années 80, a pu avoir pléthore d’écrivains d’obédience communiste. Sartre, Camus, Merle, Marc Bernard…Certains sont complètement oubliés chez nous et pourtant très connus ici…Ca n’a rien d’un hasard: ils passaient la censure, tout simplement.Pour les auteurs classiques, beaucoup d’entre eux sont passés pour des précurseurs inconnus (y compris d’eux-mêmes, d’ailleurs) de l’idéologie marxiste. Hugo et Zola en sont les deux exemples les plus frappants. Mon Hausmeister me parle aussi sans se lasser des oeuvres de Balzac, il les connaît mieux que moi alors que j’ai fait des études de littérature: le monde à l’envers …:)
Une des caractéristiques de la RDA est d’avoir été un Etat très avancé sur le plan culturel…je ne peux bien évidemment pas le vérifier, mais c’est effectivement l’impression que j’en ai. Tout le monde lisait, tout le monde se cultivait, me disent des gens qui sont de la génération de mes parents…les livres français passaient pour l’une des rares littératures autorisées de qualité.
Si on prend le cas de Robert Merle, la chose est particulièrement frappante. Un peu (hélas…) oubliée en France ces dernières années, son oeuvre a peu de lecteurs en Allemagne de l’Ouest. En revanche, à Berlin l’année dernière, la venue de Pierre Merle, son fils, a été très suivie- je me demande si on a vu autant de monde ici à une lecture publique depuis cette fois-là?!
La littérature française ayant tendance ces derniers temps à devenir de plus en plus « personnelle » (centrée sur le « moi » et les crises existentielles), les choses commencent à bouger un peu. En effet, une des caractéristiques du lectorat germanique, contrairement au lectorat français, est de chercher l’action, le suspens. Par conséquent, les auteurs français qui rencontrent un franc succès ici sont de plus en plus des auteurs de polars ou de thrillers. Fred Vargas au premier rang d’entre eux, avec les très beaux succès éditoriaux d’Aufbau pour ses derniers romans, comme Der Verbotene Ort (Un lien incertain).
Je suis bien curieuse de voir comment les choses vont évoluer…notre littérature dans son ensemble va-t-elle réussir à rester à la hauteur des attentes allemandes?
Dans les policiers, apparemment ils lisent aussi beaucoup Simenon (Maigret). Ce qui m’étonne c’est de trouver aussi en allemand des livres comme Marc Lévy ou Anna Gavalda, qui ne font pas vraiment partie du genre de littérature que je m’attends à voir traduit à l’étranger.
Robert Merle, je ne l’ai jamais vu à la bibliothèque, mais je vais faire attention. Je ne connais que sa série Fortune de France… après un tour sur Wikipédia, il semblerait que j’ai raté la moitié de ses oeuvres.
Tiens par contre dans l’autre sens, je n’ai pas trop d’idée : y a-t-il des auteurs allemands actuels (i.e. à part les classiques Goethe, Zweig, etc.) connus en France ? Je ne connais que Daniel Kehlmann.
Pour Lévy, Musso & co, ce qui m’étonne est plutôt que ça marche moins bien ici qu’ailleurs…(enfin je parle surtout de Musso là). C’est de la littérature commerciale qui répond toujours aux mêmes schémas, qui se lit vite et sans effort: normalement, ça prend partout.
Merle: je l’ai découvert au fin fond de la Thuringe, où on supposait que je connaissais tout sur lui, la conversation a été assez…funky (ahem, j’ai fini par repartir avec 5 ou 6 volumes en allemand dans mes bagages).
Pour la littérature allemande en France: pas si simple de te répondre comme ça, dans l’immédiat je ne vois personne à part Schlink et des auteurs non-allemands: Lewinksy (Melnitz, ça a marché du feu de Dieu!) et Glattauer (Quand souffle le vent du Nord). Va falloir que je prête un peu plus attention…ça tombe bien, la Foire du livre de Francfort commence dans 3 jours, je vais pouvoir me renseigner un peu